Tel le personnage de Madeleine, interprété sans aucune fausse note par Angèle Coutu dans la populaire l’oeuvre télévisuelle LE RETOUR, diffusée à TVA du 2 octobre 1996 au 21 novembre 2001, et gagnante de plusieurs prix Gémeaux et autres accolades MetroStar, Littéraire Déchu est… euh… aussi de retour.
Plutôt que de justifier notre existence ou de tenter de vous prouver la pertinence d’un blogue littéraire en 2024 (NDLR: lol, bonne chance), nous avons décidé de plonger dans le vif du sujet et de vous offrir une analyse toute simple, en guise d’apéritif à ce qu’est Littéraire Déchu.
Le sujet de notre attention? Le titre d’un dossier de La Presse, publié le 18 Août 2024: «Les Évincés de la Rue».
Tout d’abord, commençons par dire que la lecture de cet article nous semble nécessaire, et que notre analyse ne se veut pas une remise en question du sujet, mais de comment le choix d’un mot ou d’une expression peut influencer notre vision d’un monde.
Plongeons.
Les Évincés de la Rue, tout d’abord, est une proposition riche en figures de styles. On y retrouve une métonymie, qui est en soit une figure de substitution par laquelle un mot est employé pour signifier une idée adjacente associée – boire un verre, la salle a applaudi, manger un plat, sont toutes des métonymies.
En parlant des évincés de la rue, l’auteur choisit de remplacer l’endroit où habite la figure itinérante, que ce soit sa tente, sa toile de plastique, son sac de couchage, sa cabane dans le parc, par une autre figure englobante, celle de la rue.
Pour ceux d’entre-vous qui ont été à l’UQAM ou au CÉGEP du Vieux-Montréal, vous vous souviendrez que À qui la rue, à nous la rue, et qu’il est donc possible de tirer la conclusion suivante: la rue appartient à tout le monde.
Comment alors évincer quelqu’un de ce qui appartient à tous, nous demanderez-vous? Mystère et boule de gomme. Si le sujet de l’éviction vous intéresse, vous pourrez toujours vous référer aux influenceurs de l’immobilier qui sévissent sur Tik-Tok et qui se feront un plaisir de vous vendre un cours à 699$ sur comment crisser une personne âgée en dehors de chez elle et continuer à bien dormir la nuit.
De retour à nos moutons.
La métonymie renvoyant au concept de rue s’apparente elle-même à un euphémisme, c’est-à -dire à une atténuation stylistique. Effectivement, celui ou celle qui choisirait de dire qu’on évince un sans-abris de la rue omettrait, par pudeur, une réalité plus crue – personne n’est évincé de la rue, les gens sont plutôt évincés de leur chez-soi, aussi temporaire ou précaire soit-il, d’un endroit permanent qu’ils auraient empruntés à l’espace public pour diverses raisons.
Un emploi plus précis de la langue nous permettrait de comprendre que la figure de sans-abris n’est pas évincée de la rue, elle est évincée de l’existence – l’espace public appartenant à tout le monde, pour en disparaître, la solution est de ne plus exister.
Bon, êtes-vous content, là, que Littéraire Déchu soit de retour?
Poursuivons.
Les évincés de la rue est également une antonomase, c’est-à -dire une périphrase (on remplace un mot par un groupe de mot dans un but surtout stylistique, ici, on crée une image évocatrice), par laquelle on a remplacé le terme sans-abris. Ceux-ci deviennent, dans l’imaginaire du lecteur, définis par leur situation – de personne en situation d’itinérance, ils deviennent évincés, c’est-à -dire qu’ils portent en leur définition même la nécessité d’aller ailleurs.
Et, à l’instar du mythique CarNiOr, on se demande bien où on va les mettre, nos évincés de la rue.
Notre réponse? Après consultation avec notre Conseil d’Administration, nous sommes d’avis qu’on ne va les mettre nulle part, parce qu’on semble être en train d’essayer de les évincer de l’esprit du public. En ce sens, notre humble suggestion serait de renommer l’article Les Évincés de la Vie.
En plus c’est une métaphore.
Comme le disait Honoré de Balzac lors d’un entretien sur France 2, toute est dans toute.